Le Cloud Gaming, inéluctable ? Retour sur la croissance fulgurante du jeu en streaming ces dernières années.

L'Inéluctabilité du Cloud Gaming




La décennie du cloud

2,4 milliards de dollars. C'est ce que pèse le marché du Cloud Gaming en 2022 selon la dernière étude publiée par Newzoo. En 2025, ce marché verra sa valeur triplée pour atteindre la modique somme de 6 milliards de dollars. Cette croissance exponentielle est la résultante d'un marché qui prend son envol après plusieurs années de gestation. Mais comment expliquer pareil succès ? Démocratisation d'internet ? Covid ? Avènement d'une nouvelle typologie de gamers ? La démocratisation du cloud gaming répond aujourd’hui à des impératifs d'ordre pécunier, mais également d'usage et enfin, technologiques. Pour un peu d’historique, nous vous suggérons de revenir là ou tout à commencer :


De mars 2009...

Nous sommes en Mars 2009, plus précisément à la Game Developers Conference de San Francisco. Au milieu des keynotes de grands noms du jeu vidéo comme Hideo Kojima ou Saturo Iwata, des représentants de géants comme Warner Bros ou AT&T présents dans le public retiennent leurs souffles et pour cause : ce sont les premiers investisseurs d'OnLive, et ce dernier s'apprête à entrer dans l'arène très convoité du monde du jeu vidéo.


Qu'est-ce qu’OnLive ? Ni plus ni moins qu’un des tout premiers services de Cloud Gaming proposé au grand public. Il faut dire que le défi est de taille : En 2009, les problématiques liées aux questions de compatibilité et de hardware sont encore loin d'être résolues, et l'arrivée de pareil service s'annonce comme un soupir de soulagement pour toute une frange de la population gamers. À l'ère de la 7ème génération de consoles, les joueurs sont encore très regardants sur les capacités techniques de leurs systèmes de jeux de prédilection, aussi l'arrivée d'une solution rendant caduc les débats entre constructeurs était plus que bienvenu.


Seulement voilà, il y a un hic : nous sommes en 2009. Si en 2022 l'accès à une bonne connexion internet n'est pas une évidence pour tous, en 2009 avoir une connexion stable à la maison ou en déplacement est encore loin d'être une sinécure. Le constat fini par être sans appel : après quelques années seulement, OnLive n'arrive pas à convaincre et à trouver son public et fini par être racheté par Sony, qui en profitera pour accélérer sa propre solution de Cloud Gaming.


Alors est-ce qu'OnLive a été un échec ? Sur le papier oui, mais il aura eu le mérite de déblayer un terrain jonché d'idées préconçues sur le cloud gaming et ses nombreuses promesses. Le temps finira par donner raison au regretté service, puisqu’exactement 13 ans plus tard, la pertinence du cloud gaming sera mise en exergue par un événement inattendu.


...à mars 2020.

"Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?" C'est la question que se sont posés des millions d'individus en mars 2020, une fois que les paquets de courses remplis à la hâte ont été entreposés dans les placards de la cuisine et que la situation sanitaire excluait la possibilité de pouvoir mettre un pied dehors pendant des semaines.


Plus que d’habitude, internet était devenu la clé de voute des divertissements à domicile pour les confinés avec en pole position : le streaming. Les réticents avaient maintenant tout le temps et le loisir de s’essayer à toutes ces solutions disponibles sur leurs Smart TV ou Google Store et quel ne fut pas la surprise de certains de découvrir qu’ils pouvaient directement jouer à des jeux next gen depuis leur téléviseur, sans téléchargement et sans console. Ce dernier point était d’ailleurs loin d’être anodin puisque l’impossibilité de sortir et la pénurie de consoles nouvelle génération à créer un changement de paradigme chez le joueur moyen, qui a dû repenser son approche pour ce qui est de sa façon de consommer le média vidéoludique.


Aussi, dire que le COVID a « boosté » le secteur du cloud gaming puisque les individus s’ennuyaient chez eux est une corrélation réductrice, puisque la pandémie a surtout révélé les limites de certaines pratiques & modèles économiques de l’industrie.


Si les micro transactions ont été plébiscitées en masse sur les battles royale durant le confinement (essentiellement sur un modèle freemium) plusieurs joueurs firent le choix de la quantité, en s’abonnant à des services leurs donnant accès à des catalogues qu’ils n’auraient probablement jamais eu le temps de consulter auparavant. Et justement, en parlant de contenu :


La seconde révolution du jeu vidéo indépendant

L’avantage indéniable du Cloud Gaming, c’est de permettre au joueur de s’adonner à des expériences vidéoludiques qu’il n’aurait pas considérées dans des circonstances plus habituelles. Aussi n’est il pas surprenant de voir les plateformes de Cloud Gaming accueillir à bras ouvert les productions indépendantes, dans une optique de proposer une expérience diversifiée mais également différente de celle déjà proposé par les plateformes d’achats digitales. La souscription, qui était vu comme un désavantage financier, s'avère finalement être extrêmement bénéfique sur le long terme, puisque le rapport qualité/prix continue de croître en faveur du consommateur au fur et à mesure que des titres viennent renforcer le catalogue de jeux proposés.


A titre d’exemple, une solution comme Pleio propose d’accéder à un catalogue équivalent à 3000€ d’achats sur Steam, pour un abonnement mensuel de 9,99€, ce qui équivaut à 0,04€ par jeu à l’heure ou ces lignes sont écrites.


Si des plateformes comme Steam ou GOG ont permis aux jeux indépendants d’émerger et de concurrencer les grosses productions en ayant également voix au chapitre dans le circuit de la grande distribution, le Cloud Gaming donne une nouvelle tribune aux indépendants en levant la barrière psychologique du prix d’achat. Cette dernière étant diluée dans une souscription qui donne également accès à des AAA, le Cloud Gaming horizontalise le jeu vidéo et le démocratise non seulement dans son accès, mais dans sa catégorisation.


Avec le cloud, il n’y a plus de AAA, ou d’indé, les nomenclatures s’effacent au bénéfice de l’expérience proposée, et c’est tout un univers des possibles qui s’offre alors aux joueurs occasionnels ainsi qu’aux gamers chevronnés.


En plus de la découverte de nouveaux horizons vidéoludiques, le Cloud répond également avec brio à une autre problématique inhérente au milieu du jeu vidéo responsable d’un faux clivage ces 20 dernières années :


Guerre des consoles : un conflit désuet.

Dans les années 90/2000, les constructeurs de consoles se livraient une guerre économique sans merci centrée sur la plus-value technologique pour écouler leurs stocks (blast processing, Super FX, Mode 7, en passant par les premiers environnements 3D précalculés…). Depuis, une certaine horizontalité existe entre les différents supports car les architectures de consoles sont maintenant similaires, et ces dernières ne peuvent plus actionner le simple levier du hardware pour faire prévaloir leur valeur ajoutée par rapport à la concurrence.


Les éditeurs et constructeurs se sont alors livrés une guerre sur un autre terrain : celui de l’exclusivité. God Of War chez Sony, Halo chez Microsoft…les constructeurs sont allé jusqu’à racheter des studios entiers (à l’instar de Microsoft avec Activision-Blizzard pour la somme de 69 milliards de dollars) pour rallier sous leur bannière des licences à même de drainer de larges communautés déjà bien constituées. Pour autant, cette stratégie ne satisfait ni les éditeurs, ni les développeurs, puisque l’exclusivité exclut des pans entiers de joueurs mis de côté, ce qui se traduit par une perte sèche de revenus, là ou un jeu sorti sur plusieurs consoles brasse logiquement plus de revenus.


Les exclusivités sont donc devenues temporaires, rendant beaucoup moins cornélien le dilemme du choix d’une console en faveur d’une autre et invalidant au passage le célèbre adage « choisir c’est renoncer ». Sans éléments différenciateurs, les constructeurs mettent aujourd’hui en avant d’autres services pour tenter de tenir la dragée haute face à la concurrence, et le premier élément qui vient en tête est…le Cloud Gaming, bouclant la boucle initiée par Onlive il y a plus de 13 ans.


La normalisation de la technologie

Si la récente déconvenue du métavers a refroidi les ardeurs de ceux qui y voyaient la figure de proue du jeu vidéo, la réalité augmentée, la 8K et la VR sont en revanche autant d’avancées technologiques trop peu expérimentées par le grand public, puisque ces dernières sont habituellement réservées au cénacle de gamers ayant fortement investi dans leurs matériels. Le Cloud Gaming, de par son abolition des privilèges de hardware, est le médium par excellence pour introduire ces nouvelles facettes du jeu vidéo à une population de joueurs toujours friande d’innovation.


S’il était trop tôt pour l’envisager en 2009, le cloud gaming est aujourd’hui une évidence doublée d’une certitude dans l’industrie, puisque toutes les études (y compris celle de Newzoo partagé plus haut) s’accordent à dire que c’est bien dans ce segment du jeu vidéo que va se jouer le prochain tournant majeur révolutionnant le secteur, à l’instar de l’arrivée de la 3D dans les années 90.


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